vendredi 4 mars 2011

Mes cinq premiers films

L'on me demande régulièrement de publier des listes pour mieux cerner le personnage que je suis. L'exercice m'est particulièrement difficile, car graver de telles listes dans la pierre ne me permet pas de me reprendre par la suite, et donc il est difficile de prendre en compte la dimension évolutive des goûts..

La liste que je vous propose ici en revanche est relativement facile à établir, car ces films représentent mes points de départ en tant que cinéphile. Elle vaut ce qu'elle vaut; je reconnais son caractère ethnocentrique, mais j'ai grandi à Hollywood, où l'on vit a priori de l'industrie locale...

Star Wars (La Guerre des Étoiles, George Lucas 1977)
    C'est LE film de mon enfance. Il est sorti quand j'avais onze ans. Je garde encore le souvenir d'avoir susauté en entendant le premier accord. J'ai dû entrainer chaque membre de la famille le revoir (et je reste ébloui par leur patience).
    Il est en outre le film qui a rendu possible la technologie moderne des effets spéciaux, rouvrant la voie du cinéma d'image et d'action, et le retour des gens en salle. Le vrai problème dans le cinéma parlant, c'est que les gens parlent, et du coup il ne se passe plus rien; on pouvait voir ça tous les soirs à la télé. Pourquoi payer pour le voir en salle? Star Wars rappelle le pouvoir envoutant des grands écrans dans des salles obscures.

Casablanca (Michael Curtiz, 1943)
    Y-t-il plus forte antithèses? Ici, il n'y a pas d'avions spatiaux en train de bombarder une gigantesque boule en plastique,  mais deux hommes qui aiment la même femme. Les décors sont somptueux, mais en fin de compte relativement restreints. Tout est dans la joute verbale, dans les contrastes de personnalités. Des petits rôles qui n'apparaissent que quelques instants aux trois personnages principaux, chacun sonne juste. Et Ingrid Bergman sera mon premier amour; même si aujourd'hui elle est pour moi un souvenir de jeunesse. Le grand problème avec Ingrid Bergman, c'est qu'elle s'est vite trouvé dans des rôles de jeune vierge fragile, alors qu'elle n'avait pas a gueule de l'emploi...
    Casablanca est le film qui m'a donné envie de voir des films. Quelques mois plus tard, j'obtiendrais mon permis de conduire, me permettant d'explorer toutes les salles de Los Angeles, et comme la ville de Los Angeles a une superficie comparable à celle du duché de Luxembourg, il est facile d'imaginer la difficulté d'aller d'une salle à l'autre.

It Happened One Night (New York Miami, Frank Capra 1934)
    Curieusement, j'ai découvert ce film non pas au cinéma, mais à la télé et pire, tard dans la nuit, alors qu'on utilise les films comme excuse pour assurer la permanence des émissions à l'antenne. Le film alors est fragmenté, du genre dix minutes de film et cinq minutes de pub. Ce qui est en fait infernal, mais le film est montré dans son intégralité et le caractère fragmentaire permet de l'explorer dans ses détails, précisément parce qu'on ne voit pas la totalité en un jet. C'est alors que l'on comprend l'importance des scènes intermédiaires, ces scènes où il ne se passe rien et qui conduit le film d'un moment fort au suivant. Dans ces scènes, le film respire, l'on développe les personnalités des divers protagonistes et les auteurs explorent les thèmes essentiels du film. En bref, c'est alors que l'histoire cède la place au propos. Un grand auteur exploite ces temps 'mort' à fond. C'est avec New York Miami que je me suis mis à rechercher un film du même auteur, en l'occurence Capra. De fan de cinéma, je devins cinéphile.

Laura (Otto Preminger, 1944)
    Dans les méandres à travers les salles obscures, j'ai découvert ce joyaux de l'expressionnisme hollywoodien. Ce film est composé de contrastes et de surprises, des passages du jour à la nuit, de la ville à la campagne, du loisir au travail: on ne sait même pas quels sont les tenants et aboutissants du crime avant le milieu du film. Ce film passe du fantastique au quotidien au mondain en un clin d'oeil, sans jamais perdre de vue son objectif final.
    Durant mes études à l'université, un de mes professeurs nous a demandé de choisir un classique dont on ferait le pitch, c'est à dire la proposition de vente avec la mise en scène d'un extrait en exemple. La plupart de mes camarades ont choisi des films récents. Moi, j'ai choisi Laura. Si pour le jeu, je disais à l'époque que Lawrence Kasdan serait le réalisateur (aujourd'hui j'aurais préféré les frères Coen), il est vrai que c'est le film que je voudrais tourner.

The African Queen (John Huston, 1951)
    Objectivement parlant, ce film est nul, tourné avec de la colle, de la ficelle et une prière par un réalisateur qui l'utilisa comme un prétexte pour aller chasser en Afrique en se bourrant à mort avec son pote. On voit toute les scènes en contre projection, les maquettes de bateau en bassine, la fausse pluie, voire les reflets de miroir involontaires (c'est à peine si l'on voit un micro ou un fil électrique dans le cadre!).
    Et pourtant ce film est touché par la grâce. Il y a une alchimie qui s'opère entre ces deux personnalités que tout oppose. Il y a des répliques dites avec un bel aplomb qui prennent des allures d'aphorisme. John Huston est l'auteur des paris fous, des losers qui risquent leurs âmes pour se sauver - ou se damner. Dans le cas de la Reine Africaine, le pari réside dans le tournage même, et la réussite du tournage se traduit dans la réussite involontaire du projet des héros.
    C'est le premier film que j'ai redécouvert en vidéo. A un certain moment, je le regardais en boucle; si je le regarde certes moins souvent aujourd'hui, je ne m'en lasse pourtant pas.

    Voilà mes cinq films essentiels. Mes préférés? Peut-être pas. Il y en a bien d'autres qui m'ont ébloui; d'autres encore qu'il me restent à découvrir. Je reconnais en outre le caractère "cercle fermé" que prennent ces films. Pourquoi cinq films de l'apogée de l'époque hollywoodienne, alors qu'il y en a bien d'autres du monde entier qui les valent, voire les surpassent. Mais ce sont les cinq films qui définissent le mieux comment je conçois le cinéma.




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