mardi 18 juin 2019

Jouer la mise

Robert Morley, Katherine Hepburn et Humphrey Bogart

The African Queen (La Reine Africaine)
Un film de John Huston, avec Humphrey Bogart, Katherine Hepburn et Robert Morley. Scénario de James Agee et John Huston d'après le roman de C.S Forester. Images Jack Cardiff. Musique d'Allan Gray. Producteur Sam Spiegel. A Romulus Production, 1951 (United Artists, distributeurs.)
Projection au Vox due Luzy, le 1er  juin 2019


Qui se souvient de la révolution du magnétoscope?

Pour la première fois, il était possible de regarder à loisir un film chez soi. Et il était possible de le regarder autant de fois que l'on voulait. Il n'y avait plus besoin d'attendre une éventuelle diffusion à la télévision ou reprise en salle.
Mais les premières collections n'étaient pas encore très étendues. Au début de notre mariage, notre collection de film en cassettes représentait une dizaine de films. Et nous regardions The African Queen en boucle. Il nous était si familier que quand par hasard nous l'avons revu à la télévision italienne, nous n'étions pas gênés par le doublage italien: nous connaissions les répliques par cœur!


Un plateau de fortune
Le tournage de La Reine Africaine fut épique. John Huston cherche à se libérer des contraintes hollywoodiennes, et décide donc de tourner le film dans la jungle africaine, en Ouganda et au Congo. Mise à part les scènes dangereuses, comme les plans rapprochés sur les torrants, ou bien quelques retouches supplémentaires, le film est bel et bient celui tourné en Afrique, mais dans des conditions atroces. L'équipe vivait dans des campements de fortunes et devait éviter aussi bien les moustiques que les bêtes fauves.



John Huston et son fusil de tournage
C'était également une occasion pour Huston de chasser le grand gibier africain et de passer des journées à boire avec son complice de bouteille Humphrey Bogart. En réaction, le reste de l'équipe ne buvait que de l'eau. Et c'est le reste de l'équipe qui tombait malade, souffrant des tourments de dysenterie (Katherine Hepburn avait un sceau en permanence à portée de main, tant elle était malade). Seuls Bogart et Huston se portaient comme des charmes. "Je ne mangeais que des haricots et des asperges en conserve et du whisky, expliquait Bogart. Chaque fois qu'une mouche me piquait moi ou Huston, elle tombait raide morte."
Ce film représente la cinquième de six films que Huston et Bogart tournent ensemble. Il est pour l'un comme pour l'autre leur chef d'œuvre. Le réalisateur, les scénaristes (Huston et James Agee) ainsi que les deux prinicipaux acteurs seront nommés aux Oscars; Bogart l'emportera.


Katherine Hepburn et Humphrey Bogart
L'autre gageure encore plus remarquable est le choix de tourner en Technicolor, c'est-à-dire avec les grosses caméras qui faisaient passer trois bandes de pellicules simultanément. Il s'agit du premier film commercial en couleur dans l'œuvre de Huston. Il fait appel au chef opérateur de Michael Powell, Jack Cardiff, qui avait déjà signé l'image du Narcisse Noir et des Chaussons Rouges, ainsi que les Amants du Capricorn d'Alfred Hitchock. La pellicule Technicolor en revanche est devenue plus sensible, ce qui permet à Huston et Cardiff de travailler avec un nuancier délicat et éviter le caractère outrancier que pouvait prendre le Technicolor à l'époque.
Grâce à toutes ces difficultés que Huston laisse transparaître tout au long, le film parvient à maintenir cette équilibre remarquable entre épopée de guerre et comédie romantique, sans tomber dans la dureté ni la mièvrerie. Les gageures de tournage traduisent les enjeux de l'intrique.
 

Le film ne laissera aucun des participants indifférent. Katherine Hepburn écrira un livre souvenir sur le tournage. Le scénariste James Agee écrira également un livre souvenir peu flatteur à l'égard de John Huston. Ce dernier lui fournit la préface! Le tournage légendaire de La Reine Africaine deviendra à son tour le sujet d'un autre film de celui qui peut se réclamer comme l'héritier de Huston. Cela donnera Chasseur Blanc, Cœur Noir de Clint Eastwood.

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